Grèce : Le Mont Athos, La montagne où prient des hommes

Un moine orthodoxe face à la mer Égée, au Mont Athos.

Ici, les rites sont figés depuis plusieurs siècles. Des ermites résidaient déjà là au milieu du IXe siècle. “Le plus célèbre d'entre eux, Saint-Pierre l'Athonite, aurait vécu pendant cinquante ans reclus dans une caverne, se nourrissant d'herbes et de racines”, s'enthousiasme le père Joachim, avec un sourire malin à peine dissimulée par sa barbe épaisse. L'histoire de la Sainte-Montagne (Aghion Oros, en grec) a commencé en 963 avec la fondation du monastère de la Grande Laura. La république du Mont Athos, communauté théocratique orthodoxe unique dans le monde, en héberge vingt depuis plus d'un millénaire. Un “territoire autonome auto-administré” de 360 km2, entre mer et montagne.

La Sainte-Montagne est aussi appelée Jardin de la Vierge. La tradition veut que le Mont Athos soit consacré en tant que legs de la mère de Jésus ; lorsqu'elle y aurait fait escale sur sa route vers Chypre, elle aurait admiré la beauté du paysage et demandé à son fils de lui en faire cadeau. Pour ne pas “altérer” la dévotion à la Vierge, reine en ces lieux, il a été décidé en 1 060 que les femmes en seraient bannies. “Le Mont Athos est interdit à tout animal femelle, toute femme, tout eunuque et tout visage lisse”, décrète le chrysobulle de l'empereur Constantin Monomaque. A l'exception des poules dont les oeufs entrent dans la composition des peintures pour les icônes.

Certains moines de la Sainte-Montagne sont plus pragmatiques, comme le père Joachim, qui rappelle qu'on retrouvait, il y a quelques siècles, des femmes de bergers dans les lits des moines. Mais “l'absence de femmes évite les distractions. Cela permet d'aller au bout de son cheminement, sans tentations.” Le Mont Athos est un lieu hors du temps. Deux mille moines environ perpétuent encore la tradition de sa liturgie ancestrale.

Cette authenticité attire des milliers de pèlerins, en majorité grecs. Notis, manager d'un hôtel à Thessalonique, vient pour la septième fois. “Je rends visite à un ami dans un monastère. Chaque orthodoxe doit venir sur cette terre sainte au moins une fois dans sa vie.” Mikhaïl, un Albanais de 26 ans, est en pleine rédemption : “J'ai fait beaucoup de mauvaises choses dans ma vie. Ma rencontre avec un pope à Athènes m'a remis sur le droit chemin, celui de la foi. Une des premières étapes de ma nouvelle vie est d'effectuer ce séjour ici.” Comme lui, 120 000 pèlerins viennent chaque année faire oeuvre de chasteté, pauvreté et obédience durant quelques jours. Ils suivent les offices, prient, se recueillent devant les icônes. Par foi, pour l'éveil à celle-ci, le calme ou la découverte.

L'entrée au Mont Athos est limitée à 100 orthodoxes et 10 non-orthodoxes par jour. Thomas, Français d'une trentaine d'années, est venu en curieux, “impressionné par un mode de vie à la fois simple et difficile”. Dans les monastères, le pèlerin est nourri et logé. Il doit seulement s'acquitter d'un droit d'entrée de 35 € pour obtenir le diamonitirion. Ce laissez-passer, indispensable pour accéder au Mont Athos,spécifie votre religion.

Le monastère d'Iviron, dans le nord-est de la Sainte-Montagne, a été fondé au Xe siècle. Il se dresse sur une baie pittoresque, à l'embouchure d'un torrent. Le déroulement de la journée est immuable. Dans les monastères, on se lève à 2 h du matin pour la prière privée, après seulement cinq heures de sommeil. Une liturgie commune rassemble les moines dans le katholikon à partir de 3 h 30, lorsqu'un moine circule dans la cour en frappant avec un bâton sur une grande planche en bois. L'office s'achève avec le petit-déjeuner, vers 7 h. La journée est ensuite consacrée à sa tâche : cuisine, accueil des pèlerins, travail aux champs, nettoyage...

A 17 heures, les vêpres commencent et durent jusqu'à 20 heures. Le dîner est ensuite servi : dix minutes, pas une de plus, pour manger, en silence à écouter la parole donnée par le frère anagnostis. Si vous ratez le créneau, vous ne mangerez pas ! Ce soir-là, le repas est frugal : tomates, concombres, feta. Certains moines préfèrent la skete, kellia ou kalyvates, des petits monastères où habitent deux à six moines. Le père Joachim vit avec le père Epifanios dans la kellia de Mylopotamos, une grande bâtisse accrochée à la falaise. C'est en partie pour échapper à la rigueur des monastères qu'il a choisi la vie en kellia

Un pèlerinage au mont Athos doit être vu comme un séjour itinérant. Impossible de rester plus d'une nuit dans le même monastère. Tous les matins, après les quatre heures d'office et le petit-déjeuner à base d'olives et de pain, les pèlerins prennent la route. Des bus rejoignent la capitale, Karyès. Les visiteurs peuvent aussi arpenter les sentiers aux pavés inconfortables qui relient les monastères. Entre une heure et deux heures de marche au bord d'une mer au bleu profond.

En croisière vers le Mont Athos

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Pratique

Y ALLER

Déjà un pèlerinage ! Vols Paris-Thessalonique en passant par Rome, avec Alitalia ou Air France à partir de 350 €.

Les bus Thessalonique Ouranopolis partent à 5 h 30 et 6 h 15 du matin (arrivée deux heures et demie plus tard) : 10 €.

Départ du bateau pour le port de Daphni à 9 h 45.

Les déplacements sur la péninsule se font en bus.

FORMALITÉS

L'acquisition du diamonitirion (35 €), un permis de séjour valable quatre jours et trois nuits, est obligatoire. Pour réserver sa place, s'adresser au bureau des pèlerins de Thessalonique situé au 109, rue Egnatias ou par téléphone au +30 2310 252578. Le laissez-passer est à retirer au bureau des pèlerins d'Ouranopolis avant de prendre la a bateau. Il est délivré sur présentation de la carte d'identité ou du passeport.

DORMIR, MANGER

Vous êtes nourri et logé gratuitement dans tous les monastères de la Sainte-Montagne. Il vaut cependant mieux réserver par téléphone sa chambre et son repas, surtout en été.

En France, les extensions du Mont Athos En 1978, Aimilianos, higoumène (le supérieur) du monastère de Simonos Petra, décide de renvoyer en France trois moines, dont le père Elie et le père Placide. Leur mission : créer des dépendances du Mont Athos. Quatre lieux ont vu le jour : le monastère de la Transfiguration à Terrasson-Lavilledieu en Dordogne, le monastère Saint-Antoine le Grand à Saint-Jean-de-Royans dans le Vercors, le monastère de la Protection-de-la-Mère-de-Dieu à Solan dans le Gard. Et depuis 1996, le père Séraphin vit en ermite sur l'île de Porquerolles. Au monastère de la Transfiguration résident cinq moniales et une novice, accompagnées du père Elie, fondateur, aumônier et père spirituel de la communauté, tous français. Leur vocation première est la prière, l'étude et le labeur ascétique. Comme les moines de la Sainte-Montagne. “Les offices sont moins longs, nous avons plus de travail et nous vivons davantage dans le siècle qu'eux, mais nous suivons le même typikon – le livre qui contient les instructions monastiques – et la même règle de vie”, explique la soeur Silouanie. Ils donnent un enseignement spirituel et accueillent des croyants pour les offices liturgiques. La petite communauté possède aussi neuf chambres pour des retraites.